lundi 23 février 2009

LE PASTORALISME - par Pierre Neuville avec la collaboration dAndré Lomellini, d'André Savelli et Philippine Marchetti


Au début du XX° siècle, alors qu’une quinzaine de milliers d’ovins et de caprins séjournaient tous les hivers dans l’immense plaine de Calenzana (Montemaggiore, Calenzana et Lumiu) où l’on dénombrait près de cent-cinquante cabanes, des bergeries pour l’essentiel, l’élevage avait conservé une grande place à Lumiu. Une vingtaine de familles de bergers y résidaient ainsi que cinq ou six autres, niolines transhumantes (toujours les mêmes). Toutes étaient propriétaires de leurs troupeaux forts de 150 à 200 têtes (6 de chèvres, 19 de moutons). Les unes et les autres avaient abandonné leurs bergeries de la plaine où elles vivaient autrefois assez modestement, pour l’agglomération. Le phénomène fut amorcé dans les années 1880, notamment à partir du moment où l’enseignement primaire devint obligatoire, puis accentué au fur et à mesure que s’améliora le sort des bergers. Les mouvements migratoires conduisirent à l’abandon de nombreuses terres arables, désormais vouées à la pâture, qui permirent l’agrandissement des troupeaux et leur appropriation par bien des salariés. Lorsque, exceptionnellement, l’âge ou la maladie, empêchaient un berger de s’occuper de son troupeau il le confiait à un autre. La location s’effectuait selon deux modes : à « l’alivelu », pour l’an, d’octobre à octobre, contre 1 kilo de fromage par tête ou l’équivalent en argent, ou « à manghjera », d’octobre à mai contre une agnelle élevée pour trois brebis louées. Enfin, à partir de 1893, les sociétés fromagères de Roquefort prirent l’habitude de récolter le lait tous les hivers, de novembre à mai. Ce dernier était transporté à dos d’âne vers les laiteries installées sur le territoire de la commune, au nombre de trois jusqu’à la fin des années 50 : Marie Grimmal, Pasternak et Cie, Roquefort Abeille. En 1896, on dénombrait dans l’île 432 230 moutons et 232 600 chèvres (1). A cette époque il y avait plus de 800 000 animaux élevés en Corse pour moins de 300 000 habitants.
Les hommes restaient seuls avec les adolescents auprès des troupeaux, dans les bergeries. Leurs activités devenaient de plus en plus lourdes avec l’agrandissement de ceux-ci. La traite et la préparation du fromage étaient dévoreuses de temps. La première traite avait lieu le matin, à la bergerie, avant le parcage du troupeau pour la journée dans l’une des parcelles réservées et clôturées, l’errance ne pouvant être pratiquée. Le troupeau devait ainsi tourner dans les différentes pâtures pour la reconstitution des herbages et la fertilisation naturelle des terrains. Une seconde traite était opérée le soir, sauf pour les mères allaitantes. L’opération demandait une à deux minutes par bête (2). Une brebis donnait de 50 à 75 cl de lait alors qu’une chèvre pouvait en lâcher le double en début de période de lactation. Ces dernières, dociles, se laissaient traire facilement, le berger évoluant librement, dans la « mandria » avec son « tinellu » ; plus tard remplacé par le seau en « alu » fourni par les sociétés de Roquefort. Les brebis devaient être triées et enfermées dans un couloir de traite, « u compulu », où le trayeur se déplaçait d’un animal à l’autre repoussant derrière lui chaque bête libérée. Paradoxalement les brebis étaient plus faciles à maintenir enfermées, le soir, que les chèvres grimpeuses et sauteuses. Les « mandrie » devaient être protégées par des très hauts murs surélevés de branchages.
Un peu avant la Saint Pancrace (13 mai), avait lieu la tonte des brebis, « A tundera ». Elle devait être opérée en une matinée, mais ne pouvait débuter qu’ à partir du moment où les animaux commençaient à transpirer, pour faciliter la coupe à l’aide des « furbice » (les forces), et donc opérée rapidement, en quelques heures seulement. Le nombre de bergers invité variait avec l’importance du troupeau. Un dixième procédait à la « liure » des bêtes qui devaient être immobilisées pendant l’opération. La tonte prenait 8 à 10 minutes par tête. Un repas de fête clôturait cette dure matinée (2). La laine était souvent vendue à un prix dérisoire.
L’été, le berger, à l’instar du chevrier, utilisait le lait de son troupeau pour fabriquer le fromage. Après l’avoir caillé, dans une grande bassine avec un apport de « fressure », il le mettait à égoutter dans des « cagiaghje » (fabriqués avec des joncs) où les « casghju » prenaient forme en se débarrassant de leur petit lait . Ceux-ci étaient ensuite placés dans de grandes caisses cloisonnées, après avoir été salés, pour un premier affinage en « casgile » ou en cave . Une fois par semaine ils étaient nettoyés avec un linge humide et retournés. Ils pouvaient être consommés « frais », à deux mois, ou « vieux » à cinq. Ils pouvaient même être conservés plusieurs années (5 à 6, sous surveillance) mais avec le risque d’être colonisés par « E saltulelle » (vers). En estive, le premier affinage, était opéré dans les « casgiles » érigés près des bergeries, soit construits en pierre sèche, soit aménagés dans des anfractuosités rocheuses fermées également, par un mur en pierre sèche. Ces derniers étaient toujours exposés au nord, dans des chaos rocheux à l ‘abri du soleil. Ils pouvaient atteindre intérieurement 3 mètres de longueur pour 2 de large et 1, 5 de hauteur. Un seul accès était ménagé à la base du mur de façade pour permettre le passage d’un homme allongé (l = 60, h = 50 cm). Il se condamnait avec une grosse dalle. Une petite ouverture de 20 x 30 cm (généralement) était réservée sur un côté pour l’introduction ou la sortie des fromages à l’aide d’une planche. A l’intérieur, ces derniers étaient déposés sur des étagères appropriées. En fin de saison, les fromages étaient vendus aux affineurs de Calenzana ; ceux destinés à la consommation familiale étaient amenés à la maison, au village, où ils étaient stockés en cave.
La vente des agneaux et des cabris était d’un excellent rapport et constituait, pour les bergers, avec celle du lait, l’essentiel de leurs ressources qu’il n’hésitaient pas à compléter accessoirement par du braconnage !
Ainsi, en ce début du XX° siècle, le sort des bergers se trouvait considérablement amélioré et souvent envié.
Tous les ans, rituellement, ils procédaient à une distribution gratuite de lait, « E Purice », le 11 mai . Une messe leur était consacrée un matin d’octobre, à cinq heures, en l’église du village.



Bibliographie :
(1) Renucci (J.) - 1981 - « La Corse », P.U.F, Que sais - je ? 127 pages
(2) Ravis-Giordani (G.) - « Bergers corses » - Les communautés villageoises du Niolu - Edisud, La Calade, 13090 Aix en Provence, 505 pages.

1 commentaire:

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